mercredi 28 février 2007

6. Voisins.

La pluie avait remplacé la neige qui ne subsistait que sur les voitures.
Pour tuer le temps avant de me retrouver en face de l'inspecteur, je m'étais dirigé vers la taverne au nom évocateur « Le jardin d'hiver », qui me semblait bien à propos vu la météo et mon état d'esprit. Située sur la place de la Patrie, elle offrait un lieu calme dans un décor art déco. Seuls deux, trois clients sirotaient leur café à l'heure du midi. Deux, trois vieux, qui passaient le temps. Je commandai à la serveuse un thé citron, histoire de me réchauffer et de faire un plein de vitamine C, puis m'assis sur une des banquettes matelassées situées près de la large fenêtre encore décorée d'un paysage d'hiver. Je m'assieds toujours près des fenêtres, et j'avais bien besoin ce jour-là de la lumière.

Je lus enfin le billet que je n'avais pas desserré de ma main. L'inspecteur se prénommait Fabrice Degand. Je me rendis compte que l'inspecteur n'avait pas daigné se présenter. Il est vrai que je n'avais même pas eu la présence d'esprit de lui demander son nom tellement il avait été distant et froid. Son profil était fait: je risquais difficilement de m'entendre avec lui.
La serveuse arriva avec le thé citron et déposa la note sur la table. Je fis à peine attention à elle, absorbé par ce que m'avait dit le policier.

On avait beaucoup parlé de la vague d'attentats qui s'étaient abattus sur Bruxelles depuis quinze jours.
Jusque là préservée, les terroristes avaient coup sur coup fait sauter trois lieux emblématiques à Bruxelles.
Après les explosions de l'aéroport de Bruxelles-national et la station de métro de Brouckère, qui n'avaient heureusement fait aucune victime, celle du lendemain à la RTBF avait surtout choqué l'opinion.
Pendant deux jours, seule RTL, sa rivale belge, était en mesure de rendre compte de l'événement en abreuvant les téléspectateurs d'images d'une RTBF en grande partie dévastée, à côté d'une tour des communications encore intacte. Le bilan était lourd, dénombrant vingt-trois victimes, dont le présentateur du JT.
Les enquêteurs avaient tôt fait de retrouver la trace d'un groupe de visiteurs dans lequel s'était glissé un kamikaze.
Funérailles nationales, délégation étrangère des télévisions du monde entier, la Belgique était sous les feux des projecteurs. Une vague de panique avait suivi aussitôt lorsqu'une fausse alerte à la bombe fut signalée au palais royal. Le dispositif mis en place pour assurer la sécurité des institutions européennes et internationales, nombreuses sur le territoire régional, fut renforcé.
Toutes les forces de l'ordre avaient été réquisitionnées afin de redonner confiance à la population et calmer les inquiétudes des nations amies, et plus personne ne se formalisait à croiser un militaire ou de découvrir des rues barrées par un char.
Ces mesures n'avaient pas arrangé les embouteillages qui étaient devenus un vrai calvaire, mais l'important semblait d'éviter à tout prix un autre carnage.
De reportages en documentaires, chaque élément était décortiqué et faisait la une des journaux depuis quinze jours. Toutes les conclusions se recoupaient: une branche d'Al Qaida installée dans la ville était passée à l'acte.
Mais je n'arrivais pas à imaginer que le couple marocain du deuxième étage faisait partie du complot.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

On se croirait dans "the Good Belgian", le noir noircit et le blanc reflète le noir... qui manipule qui ? Délicat, le Lionel avec son thé citron !

Anonyme a dit…

ça devient intéressant, tiens, l'histoire de Lionel au milieu d'évenements comme des attentats à Bruxelles.

Daphne Wayne-Bough a dit…

Je passe devant ce troquet tous les jours dans le 25, et chaque fois j'ai envie de descendre du tram et rentrer prendre un verre, tellement il a l'air sympa ce bar. Mais maintenant j'ai peur d'etre pris dans un roman noir! (la femme d'un certain age toute vetue de noir, qui fume une Sobranie cocktail ...)

Joe a dit…

hello daphné, j'ai bien vu ton commentaire sur mon autre blog aussi.
La suite "d'illusions" viendra bientôt, en avril, quand j'aurai retrouvé un peu de temps.
That's funny you knows this pub.
When are you in the nr 25?
You can write me on joel.hortegat@hotmail.com